Mandataire immobilier : jusqu’où peut-il aller ?

Le négociateur immobilier est-il indispensable ?

On imagine mal une agence immobilière ou un réseau immobilier se passer de négociateurs.

L’agence, car le négociateur est un peu sa cheville ouvrière ; c’est lui qui prospecte les mandats de vente, qui cherche les acquéreurs, qui négocie et conclut les ventes.
Il contribue alors activement au développement du chiffre d’affaires lié à la transaction immobilière.

Le réseau, quand son modèle économique repose sur le nombre de négociateurs à qui il vend des services en contrepartie de redevances mensuelles.
Dans ce cas, le négociateur est plus un client qu’un collaborateur.

Il existe bien sûr des réseaux qui collaborent avec des mandataires sans facturer de redevance mensuelle ou qui mutualisent simplement les coûts réels et dont le chiffre d’affaires repose sur les ventes réalisées.

Qui fait quoi ?

Quand le négociateur est salarié, l’étendue de ses pouvoirs est connue.
En effet, étant délégataire de l’agent immobilier, il est seulement limité par la portée de la délégation que lui concède ce dernier.
Si la délégation est totale, le négociateur peut accomplir tous les actes de chaque étape d’une transaction.

Par contre, cela devient beaucoup plus flou lorsqu’il exerce son activité sous statut d’agent commercial.
En effet, celui-ci agit aussi pour le compte de l’agent immobilier mais il est d’abord limité par la loi.

Le voudrait-il, que l’agent immobilier ne pourrait pas lui consentir les mêmes pouvoir qu’à un négociateur salarié.
Et s’il le faisait malgré tout, le négociateur agent commercial ne pourrait pas s’en servir du fait des restrictions qu’impose la réglementation.

La loi HOGUET qui encadre la profession des intermédiaires en immobilier est très stricte et ne pas la respecter est passible de sanctions qui peuvent conduire jusqu’à des peines d’emprisonnement.

Rédaction des mandats et rien d’autre ?

L’article 4 de la loi HOGUET interdit au négociateur agent commercial de rédiger d’autres actes sous seing privé que les mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle.

Si la loi HOGUET (ou plutôt la loi ENL de 2006) interdit la rédaction d’actes sous seing privé par un agent commercial, c’est tout simplement pour être en conformité avec la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

C’est cette loi qui définit le métier d’avocat et en fixe les prérogatives dont la rédaction d’actes sous seing privé et les consultations juridiques.
Et c’est donc elle, à l’article 54, qui interdit aux personnes ne détenant pas le titre d’avocat de rédiger ces actes et de donner des consultations juridiques.

Les exceptions sont listées aux articles 55 et suivants de la loi.
Par exemple, l’autorisation accordée aux agents immobilier de donner des consultations juridiques est précisée à l’article 59.
Ceux-ci ne peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé que pour le domaine d’activité qui est le leur.

Les avocats sont très vigilants et assignent régulièrement celles et ceux qui marchent sur leurs plates-bandes.

Acte sous seing privé c’est quoi ?
Une réponse ministérielle du 20 juillet 1992 précise ce qu’il faut entendre par acte sous seing privé défini par l’article 54 :
« Les actes sous seing prive s’entendent des actes unilatéraux et des contrats, non revêtus de la forme authentique, rédigés pour autrui et créateurs de droits ou d’obligations.« 

Si ces définitions interdisent la rédaction des promesses de vente et d’achat, qu’en est-il des offres d’achat ?

L’offre d’achat est-elle créatrice de droits et obligations ?
Elle produit bien des effets de droit car une fois parvenue à son destinataire, l’offrant ne peut plus l’annuler.
Mais tant que le vendeur n’en a pas connaissance, elle n’engage pas l’offrant et reste sans valeur. Sa rédaction par un agent commercial semble donc possible.
Par contre, ce dernier ne pourrait plus intervenir dès sa réception par le vendeur.

Les compromis et autres imprimés pré-remplis
Si l’agent commercial n’est pas autorisé à rédiger les promesses de vente, peut-il présenter et faire signer un imprimé pré-rempli que les clients complèteraient eux-même ?

Le législateur considère-t-il qu’un imprimé pré-rempli est un acte sous seing privé ?
La réponse est non.
La cour de cassation estime que la transmission de modèles types, dès lors qu’ils ne sont pas individualisés ni adaptés à la situation spécifique de chacun, ne constituent pas l’activité de rédaction d’actes juridiques réglementée par l’article 54 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971.

Et la consultation juridique ?

Le même article 4 de la loi HOGUET interdit également au négociateur indépendant de donner des consultations juridiques.
La question se pose alors de savoir ce qu’est une consultation juridique.

La consultation juridique c’est quoi ?
Le Conseil National du Barreau en donne la définition suivante :
« La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision. »

Pour sa part, la Cour de cassation reprend la définition donnée dans une réponse ministérielle à une question écrite en date du 8 juin 1992 :
« La consultation est une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis concourant par les éléments qu’il apporte à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation et donc distincte de l’information à caractère documentaire qui consiste à renseigner un interlocuteur sur l’état du droit ou de la jurisprudence relativement à un problème donné« .

Le conseil donné dans le cadre du devoir de conseil et d’information n’entre donc pas dans ces définitions.

L’agent commercial peut-il recevoir l’engagement des parties et prodiguer des conseils à cette occasion ?
La loi HOGUET ne prévoit rien concernant la possibilité ou non pour un agent commercial de recevoir l’engagement des parties.
Nous sommes donc en droit d’admettre que c’est possible…
Cependant, les juristes du SNPI estiment que même avec un compromis pré-rempli, l’agent commercial ne peut pas recevoir l’engagement des parties dans la mesure où « même si le client remplit lui même le document, il ne pourra le faire qu’en étant correctement conseillé. » (Source : Agent co en immobilier – Sécuriser les relations entre mandataire et agence immobilière).

Là encore, on en revient à la notion de conseil.

L’article 66-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques  opère une distinction entre  la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire et la consultation juridique.

Ainsi, il existe deux façons d’éclairer vendeurs et acquéreurs sur un compromis et les deux façons ne permettent pas les mêmes autorisations :
La première façon se limite à expliquer le contenu de l’acte sans que cela ait une quelconque influence sur la prise de décision.
Par exemple, expliquer comment s’articule l’exercice d’un droit de préemption est une information à caractère documentaire qui n’influence pas la prise de décision.

La deuxième façon consiste à donner un avis à l’une ou l’autre des parties sur un point du compromis.
Par exemple, si l’Acquéreur est d’accord pour différer de 3 semaines son entrée en jouissance le temps que le vendeur finalise son déménagement à l’autre bout de la planète, recommander aux parties de rédiger un bail précaire et de fixer une indemnité d’occupation en prévoyant que le vendeur devra rembourser les charges locatives et maintenir le logement assuré, est un conseil qui entre dans le cadre de la consultation juridique car il a une influence sur la prise de décision.

Enfin, le formulaire de demande d’attestation d’habilitation (cerfa 15315*02) prévoit la possibilité pour l’agent commercial d’engager les parties.
La notice précise d’ailleurs bien que le négociateur agent commercial peut être présent à la signature de l’acte sans pouvoir apporter de conseils juridiques ou signer pour le compte du titulaire.

Le doute n’est donc pas possible et il serait peut être intéressant que les représentations professionnelles s’emparent du sujet pour obtenir des confirmations ou infirmations qui seraient les bienvenues de la part des pouvoirs publics, notamment au niveau de la rédaction des offres.

Et les remises d’honoraires ?

L’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à  l’information des consommateurs par les professionnels intervenants dans la transaction immobilière interdisait de consentir des baisses d’honoraires lors des transaction ou seulement à la marge.
Mais depuis l’arrêté du 26 janvier 2022, le montant des honoraires est le montant des honoraires maximums qui sont pratiqués par l’agence, ce qui veut dire que la négociation des honoraires est à nouveau possible.

Par contre, le barème d’honoraire qui doit être appliqué est toujours celui de l’agent immobilier et le négociateur indépendant ne peut posséder son propre barème d’honoraires.
Cette position a été confirmée par la directrice générale de la DGCCRF qui ajoute que cette façon de procéder est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse.

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