Qui est PAP
Un nouveau concurrent fait son entrée sur le marché de la transaction immobilière.
Nouveau concurrent ? Pas complètement. la société « Particulier à Particulier » est connue depuis de nombreuses années pour être un diffuseur d’annonces immobilières exclusivement entre particuliers.
Concurrence ?
Mais aujourd’hui, PAP va plus loin et pose un pied supplémentaire sur les platebandes des professionnels en proposant une offre de coaching à destination des particuliers qui veulent vendre « + vite » leur bien.
Ainsi, Pour 790 €, la société propose l’estimation du bien par un « expert PAP », la prise de photographies professionnelles et le montage 3D d’une visite virtuelle du bien.
Et ça ne s’arrête pas là… La société PAP réalise un filtrage des contacts en s’assurant que ceux-ci ne sont pas des professionnels, en vérifiant qu’ils ont bien regardé la visite virtuelle et en demandant quel est le plan de financement.
Enfin, PAP propose une assistance juridique se traduisant par un service de renseignements téléphoniques.
Les syndicats de l’immobilier ripostent
Évidemment, les syndicats FNAIM et SNPI ne pouvaient rester sans réagir et individuellement, ils ont assigné PAP pour exercice illicite de l’activité d’agent immobilier et concurrence déloyale au moyen de publicité trompeuse et prohibée. Ils ont en outre demandé le retrait de l‘interview de la PDG, Corinne JOLLY le 17 janvier 2019 sous astreinte de 1000 € par jour pour dénigrement constitutif de concurrence déloyale.


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Les jugements
Après avoir été déboutés en 1ère instance (voir ici et là), les syndicats ont formé appel du jugement.
Sur le coaching
Pour les juges d’appel, le coaching proposé par la société PAP ne peut être considérée comme une activité d’intermédiaire immobilier au sens de la loi HOGUET.
En effet, elle ne met en relation les acquéreurs potentiels que dans le cadre de son activité de publication qui est expressément exclue du champ d’application de la loi HOGUET.
Elle ne réalise pas les visites réelles du bien et le filtrage des contacts consiste en un tri afin, essentiellement, de contrer le démarchage des professionnels.
Elle ne demande pas aux acquéreurs, les pièces justifiant de leurs ressources, ne contribue pas à l’efficacité juridique de la transaction en ne vérifiant pas le titre de propriété du vendeur, la capacité de contracter, l’existence matérielle du bien ou encore la présence de servitudes.
Et enfin, elle ne participe pas à la négociation du prix comme le font les professionnels en vertu d’un mandat qui leur est confié.
Distinction entre les deux activités
Des constatations précédentes, la Cour d’Appel retient que l’activité de coaching réalisée par PAP ne relève pas de l’activité d’intermédiaire immobilier dont elle rappelle les critères légaux :
« l’intermédiation entre deux parties pour la réalisation d’une vente immobilière, juridiquement réalisée par la signature d’un mandat confiant une mission d’entremise et de négociation et visant la conclusion de la vente autorisant ainsi l’agent à négocier pour le compte du propriétaire, et lui imposant le respect de plusieurs obligations dont notamment la délivrance à l’acheteur d’informations précontractuelles, ainsi qu’un devoir de conseil consistant à s’assurer de la régularité de la transaction et notamment que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention, et à transmettre toutes les informations techniques nécessaires aux parties, sur les circonstances entourant l’opération qu’ils envisagent, ainsi que sur ses conséquences.
Ces obligations emportent conséquemment la responsabilité de l’agent immobilier relativement à ces missions.« .
Sur le conseil juridique
La consultation juridique que propose la société PAP n’est pas une activité de conseil selon la Cour d’Appel.
Il s’agit simplement d’une « assistance de renseignement téléphonique » à disposition des vendeurs, clients de PAP, qui consiste à guider un vendeur en répondant à ses questions sur la stratégie de vente, la gestion des visites, la négociation, les démarches, PAP précisant que le vendeur reste seul pour rencontrer les acheteurs, et négocier avec eux.
Sur le dénigrement
Là encore, les juges relèvent, dans l’interview donnée le 17 janvier 2019 à France Info, que le ton est clairement celui d’une relance de la concurrence, indirecte, entre PAP et les agences immobilières mais ne caractérise pas le dénigrement.
Dans l’interview, la présidente de PAP confirme que le but est de récupérer la clientèle des agences mais opère bien une distinction entre les deux activités et rappelle que PAP n’est pas intermédiaire dans la vente.
Pour le tribunal, le modèle de résiliation de mandat proposé par PAP n’est pas non plus constitutif d’un détournement de clientèle par un procédé déloyal, cette « lettre de résiliation du mandat de vente » se trouvant au milieu de plus de 16 autres modèles de courrier mis à disposition par le site.
Elle s’apparente ainsi aux modèles de lettres administratives mis en ligne sur de nombreux sites, sans que PAP ne conseille chaque particulier pour la rédaction particulière d’une telle lettre ou n’incite particulièrement à une telle résiliation.
Conclusion
Si les deux syndicats ont été déboutés de toutes leurs prétentions, et que la société PAP peut se réjouir d’avoir emporté une victoire, il existe malgré tout un motif de satisfaction pour les professionnels.
En effet, en opérant une distinction explicite entre l’activité d’agent immobilier et celle d’annonceur proposant des services annexes, les deux arrêts rendus mettent en lumière les différences exorbitantes entre le professionnel de l’immobilier qui engage sa responsabilité et le service complémentaire « d’inutilités » que propose un diffuseur d’annonces.
Quel est intérêt, en effet, de demander à un interlocuteur son plan de financement s’il n’y a pas de possibilité de le vérifier ?
Quant au filtrage des professionnels, si un agent immobilier ou un négociateur téléphone et se fait passer pour un particulier ?
Et si le candidat acquéreur refuse de communiquer son plan de financement par téléphone à un diffuseur d’annonces anonyme et qu’il ne connait pas ?
Est-il évincé ?
Et si parmi les « évincés » se trouve le bon acheteur ?
Enfin, en comparant le coût de ses services avec ceux d’un (vrai) professionnel de l’immobilier, PAP semble méconnaître les notions telles que « découverte acquéreur », « devoir de vérification » « devoir de conseil », etc…
Sources :
CA PARIS Pôle 5 Ch 11 20/15952
et
CA PARIS Pôle 5 Ch 11 21/03539