Le mandat ne peut pas tout
La Cour de cassation a définitivement enterré les attentes des professionnels en ce qui concerne le droit à honoraires lorsque ces derniers, titulaires d’un mandat de vente, présentent un acheteur aux prix et conditions du mandat et que le mandant refuse de vendre.
Le dernier espoir de voir un revirement de jurisprudence reposait sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité que l’avocat d’une agence immobilière avait déposées après que l’agence ait été déboutée de sa demande en paiement de 80000 € au titre de la clause pénale de son mandat exclusif.
Les deux QPC étaient rédigées ainsi :
- L’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 porte-t-il atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle en interdisant la rémunération de l’intermédiaire tant que l’opération projetée n’est pas réalisée, même lorsque c’est le mandant qui refuse sans justification de conclure la vente objet du contrat d’entremise ?
- L’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte-t-il atteinte au principe de responsabilité en ce qu’il exclut que soit regardé comme fautif le mandant qui, ayant confié à un intermédiaire la recherche d’un vendeur ou d’un acheteur, refuse sans aucune raison de conclure la vente projetée ?

Origine de l’affaire
Une société holding a confié à une agence immobilière un mandat exclusif de vente portant sur la totalité de ses parts sociales, soit 1 080 000 €.
L’agence a ensuite présenté une lettre d’intention émanant d’une société qui offrait d’acquérir les parts au prix demandé.
La société mandante a alors fait savoir à l’agence immobilière, qu’après réalisation d’une évaluation, elle portait le prix à 1 500 000 €.
Deux jours plus tard, l’agence immobilière avisait la société mandante, qu’elle mettait fin au mandat aux torts exclusifs de cette dernière.
Elle l’assignait ensuite en paiement d’une somme de 80000 € au titre de la clause pénale prévue au mandat.
Les motivations de la Cour de cassation
Ayant été déboutée, l’agence immobilière formait un pourvoi en cassation et demandait de renvoyer au Conseil constitutionnel les deux QPC précitées.
Pour la Cour de cassation, ces deux questions ne présentent pas un caractère sérieux.
Concernant la première question :
« l’interdiction pour l’agent immobilier de percevoir une quelconque rémunération en l’absence de conclusion effective de l’opération projetée, quelle qu’en soit la raison, est fondée sur le motif d’intérêt général tenant à la nécessaire réglementation des pratiques des professionnels visés à l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 afin d’assurer l’information, la protection et la liberté contractuelle de leurs clients. »
Il n’y a donc pas d’atteinte à la liberté contractuelle dès lors que le professionnel peut engager la responsabilité du mandant si celui-ci commet une faute le privant de sa rémunération.
Et pour la deuxième QPC :
« le contrat conclu entre l’agent immobilier et son client étant, sauf disposition expresse contraire, un contrat d’entremise, l’agent ne dispose pas du pouvoir d’engager son client, de sorte que celui-ci est libre de conclure ou non l’opération, et son seul refus, ne peut, par nature, être constitutif de la faute susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de son mandataire. »
La Cour de cassation opère une distinction entre le mandat d’entremise, acte d’administration qui interdit au mandataire d’engager le patrimoine du mandant et le mandat de vente qui est un acte de disposition, le mandant autorisant le mandataire à engager son patrimoine.
Source : Cour de cassation pourvoi 21-25.661 du 7 juillet 2022
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