Bientôt la fin des réseaux de mandataires ?

Une bombe à fragmentation vient de tomber sur le monde de l’immobilier et si elle explose, les dégâts risquent d’être considérables…

Saisine de l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence a été saisie par le ministre de l’économie , des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’une demande d’avis concernant le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière. 
Celle-ci est une sous-catégorie de l’intermédiation immobilière laquelle regroupe à la fois les activités d’entremise et de gestion immobilière.

La saisine a porté uniquement sur l’entremise immobilière concernant la vente de biens à usage d’habitation.

Obsolescence de la loi Hoguet due à l’arrivée du numérique

Dans un premier temps, le rapport rappelle l’origine de la loi Hoguet dont le but est de protéger le consommateur en professionnalisant les acteurs de l’entremise immobilière et ainsi restaurer la confiance des ménages à leur égard.

Ainsi, deux grands principes sont attachés à la loi Hoguet.
D’abord celui d’une autorisation préalable pour exercer la profession, conditionnée à la détention de compétences lesquelles sont justifiées par la possession d’un diplôme sanctionnant trois années d’études supérieures ou par une expérience de trois à dix années selon le statut et le niveau d’études du demandeur.
Cependant, l’accès à la carte par l’expérience n’est possible que pour les agents salariés.
Les mandataires indépendants en sont donc exclus.
Le deuxième principe concerne la rémunération de l’agent immobilier qui ne peut la percevoir qu’une fois que l’opération a été effectivement conclue par son intermédiaire.
Tout les professionnels connaissent l’aléa du mandat simple qui mobilise du temps, de l’argent bien souvent pour rien.
Selon le rapport, il en résulte que pour compenser le manque à gagner, les professionnels pratiquent des tarifs qui se révèlent bien plus élevés que dans les pays voisins.
En France, le taux de commissionnement HT s’élevait à 5.2% en 2018 alors que dans l’Union européenne, il était de 3.5% HT.
Selon l’Autorité de la concurrence, si le taux de commissionnement était ramené à la moyenne des pays européens, les ménages français récupèreraient un gain de 2.9 Milliards d’euros pour un nombre de transactions identiques.
Ce constat est réalisé dans un contexte de forte inflation qui fait grimper les taux d’intérêt alors qu’il devient nécessaire de rénover les logements pour proposer des biens immobiliers moins énergivores et lutter contre le réchauffement climatique.

Pour faire simple, l’idée est de rogner sur les marges des professionnels afin de financer la rénovation énergétique.

Un contournement de plus en plus important de la loi Hoguet

Inspiré des États Unis, le concept de réseau de mandataires est arrivé en France il y a un peu plus de 20 ans.
Ce mode d’organisation est désormais bien ancré dans le paysage immobilier français et quelques réseaux se sont hissés au sommet de la hiérarchie en nombre d’agents et de chiffre d’affaires.
Pour autant les réseaux de moindre importance parviennent à vivre même si le contexte économique devient de plus en plus problématique.
L’arrivée de nouveaux acteurs n’a pas été une bonne nouvelle pour eux ainsi que pour les agences traditionnelles lorsqu’elles ne détiennent que la carte transaction.
Agences en ligne qui digitalisent pratiquement tout le processus de transaction, réseaux de mandataires avec des plateformes physiques (market center), coaching immobilier qui, paraît-il, s’arrête aux frontières de l’entremise (🤭)…

Et c’est justement ça l’argument de l’Autorité la concurrence :
Puisque de nouveaux métiers s’affranchissent de la loi Hoguet en surfant sur son imprécision, (voir la jurisprudence surabondante sur le sujet), pourquoi ne pas en tenir compte et libéraliser d’avantage afin que la nouvelle concurrence entraîne mécaniquement une baisse du taux de commissionnement qui permettra au consommateur de récupérer du pouvoir d’achat pour financer la rénovation des logements ?
En effet, le législateur ne peut pas imposer un barème de transaction à la baisse pour tous les agents immobilier puisque les prix sont libres depuis 1986.

Dégager 2.9 milliards sans toucher aux comptes publics tout en communicant sur la capacité d’action de l’état en matière de lutte contre les passoires thermiques.
Voilà l’idée…

Deux options sont proposées

On voit dans le schéma ci-dessous que, selon l’Autorité de la concurrence, seules deux étapes d’un processus de vente sont constitutives d’entremise immobilière.
Il suffit alors d’extirper ces deux étapes de la loi Hoguet et n’importe qui pourra  réaliser l’intégralité d’une transaction sans être soumis à celle-ci et donc à l’obligation de compétence, c’est à dire d’expérience professionnelle ou de diplômes.
Pour faire simple, l’activité de transaction de biens d’habitation serait purement exclue de la loi Hoguet.

Étendre aux agents commerciaux

La  deuxième option consiste à régler le problème de la compétence.
Pour obtenir la carte d’agent immobilier, il faut être titulaire d’un Bac + 3 en économie, droit ou gestion ou posséder 3 à 10 années d’ancienneté selon que le demandeur est titulaire du bac ou pas et qu’il possède un statut de cadre ou non.

L’Autorité propose de simplifier ces conditions d’accès en supprimant l’obligation de diplôme Bac + 3, en ramenant l’expérience professionnelle à quatre ans et surtout, en intégrant les mandataires indépendants dans la validation de l’expérience.
L’obtention de la carte professionnelle ne reposerait alors plus que sur l’obligation de détenir une garantie financière pour exercer l’activité de transaction immobilière sur les biens d’habitation.

En regardant le nombre de négociateurs par rapport au nombre de détenteurs de carte professionnelle, on note que le rapport est d’un agent immobilier pour quatre négociateurs.
Dès lors, c’est un potentiel de 150000 négociateurs qui pourront devenir éligibles à la carte professionnelle et ainsi tirer les prix des honoraires vers le bas.

En plus de ces solutions, l’Autorité propose quelques innovations comme celle d’exclure de la loi Hoguet toutes les prestations qui ne relèvent pas de l’entremise immobilière et qui pourraient être payées immédiatement.
Le mandat détaillerait chaque prestation et seuls les services relevant de l’entremise (rapprochement des parties, recueil de l’accord dans un acte écrit unique…) ne pourraient être rémunérés qu’au moment de la finalisation de la vente.

Les conséquences

On peut aisément imaginer que de nombreux négociateurs en réseau ou en agence solliciteront la carte professionnelle afin de travailler pour leur propre compte (c’est d’ailleurs un des buts de la réforme).
Pour eux, il leur suffirait, par exemple, de se regrouper en association afin de négocier les meilleurs tarifs d’annonces immobilière, de logiciels, etc…
Ceux qui souffriront de cette réforme seront surtout les agences et les réseaux qui ne pratiquent pas l’activité de gestion immobilière.
Pour les professionnels qui n’auront pas su anticiper, le réveil risque d’être dur…

Source :
L’Autorité de la concurrence rend son avis sur la situation concurrentielle du marché de l’entremise immobilière

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