Validité du mandat – Arrêt n° 15-20411 du 24/02/2017

Le 24 février 2017, un arrêt de Cour de cassation modifiait sensiblement la jurisprudence en matière de validité d’un mandat.
Cet arrêt était pris en considération de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats

Quelques négociateurs nous ont contactés pour nous demander notre avis.

Le voici sous la forme d’une explication que nous espérons utile.
Comme d’habitude, les sources sont accessibles.


Historique

La locataire d’un local à usage d’habitation s’était vue signifier un congé avec offre de vente par l’agence immobilière qui s’occupait de la gestion du logement.

Elle a dénoncé la validité du congé ainsi que l’arrêt ordonnant son expulsion au motif que le congé pour vendre s’analysait en une offre de vente et que l’agence immobilière ne détenait pas de mandat de vente valide rappelant que pour être valide, le mandat doit comporter le numéro d’inscription au registre des mandats  et être limité dans le temps.

La Cour de Cassation a débouté la locataire du fait que :
1/ L’agence immobilière détenait un mandat de gestion et d’administration avec tout pouvoir de donner congé,

2/ Elle possédait aussi une lettre du bailleur la mandatant spécialement pour vendre le bien à un prix déterminé,

3/ La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général et relative lorsqu’elle a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé,

4/ La durée de validité du mandat et l’enregistrement du mandat sur un registre et son report sur l’exemplaire remis au mandant a pour seul but de protéger les intérêts du mandant. 

Le code civil a été modifié par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Dans cette affaire, certains articles nous intéressent particulièrement :


Code civil

Rappelons d’abord certains principes de droit :
Art. 1101 du code civil :
Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

Art. 1113
Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

« Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

« Art 1114
L’offre faite à personne déterminée ou indéterminée comprend les éléments essentiels du contrat.

Art. 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.

« Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.
« Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
« Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

Art. 1179
La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.

« Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Art. 1180
La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public.

« Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat.

Art. 1181
La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

« Elle peut être couverte par la confirmation.
« Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir.

Art. 1199
Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties.

« Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.

Nous voyons bien que pour rendre son arrêt la Cour de cassation s’est appuyée notamment sur les articles 1179 pour ce qui est de la définition de la nullité et 1180 et 1181 pour la demande de nullité.

Nous lisons aussi l’article 1199 qui prévoit qu’un contrat ne s’impose qu’aux parties, les tiers ne pouvant ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter.

Voyons maintenant quelle incidence cela peut avoir concrètement sur le droit à commission en utilisant un exemple.


Incidence de cette jurisprudence

Supposons un bien dont le prix sur le mandat est indiqué comme ceci :
Prix net vendeur = 200000 €
Honoraires = 10000 €

Supposons aussi que le numéro d’enregistrement n’ait pas été reporté sur le mandat.

Si le mandat prévoit les honoraires à charge de l’acquéreur, l’annonce doit être présentée ainsi :
Prix du bien : 200000 €
Honoraires : 5% TTC
Prix honoraires inclus = 210000 €
Honoraires à charge de l’acquéreur.
L’acheteur sait donc qu’il devra payer une somme de 200000 € pour l’acquisition + 10000 € pour les honoraires.
Le vendeur, quant à lui, encaissera 200000 € et n’aura pas d’honoraires à payer.

Si le mandat prévoit les honoraires à charge du vendeur, ceux-ci ne doivent pas être inclus dans le prix de vente ; l’annonce doit donc être présentée ainsi :
Prix du bien : 200000 €
Honoraires à charge du vendeur. ¹
Dans ce cas, l’acheteur sait qu’il devra payer 200000 € pour l’achat du bien et qu’il n’aura pas d’honoraires à payer.
Quant au vendeur, il encaissera 200000 € mais il devra reverser 10000 € d’honoraires.

Dans le premier cas où les honoraires sont à la charge de l’acquéreur, celui-ci se moque éperdument de savoir si le mandat est nul ou pas car conformément à l’article 1199 du code civil, il n’est pas concerné puisque non signataire dudit mandat.
Ce n’est pas le mandat qui l’oblige à payer les honoraires mais une reconnaissance d’honoraires quelle qu’en soit la forme (bon de visite, mandat de recherche exclusif…).
S’il veut contester les honoraires, c’est donc la nullité du document signé par lui qu’il invoquera et pas le mandat.
Notons cependant que la jurisprudence retient que le droit à commission est maintenu dès lors que, tant dans le mandat que dans l’acte de vente, les honoraires sont prévus à la charge de l’acquéreur et que les conditions suspensives sont levées.

Dans le deuxième cas, l’acquéreur se moque tout autant que le mandat soit valide ou pas puisqu’il n’a pas d’honoraires à payer.
Par contre, le vendeur qui est redevable des honoraires aura toute possibilité de dénoncer le mandat et d’en obtenir la nullité.

1: Ne pas respecter la législation en matière d’annonces immobilières est passible de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement.
Pour toute information concernant la réglementation des annonces immobilières, v
oir le support « Nouvelle réglementation des annonces immobilières, casse tête juridique ? mais non » dans le menu « A la loupe« 


Conclusion

On le voit bien, excepté en ce qui concerne l’expulsion du locataire dans le cas d’un congé pour vendre, cette nouvelle jurisprudence ne change rien pour le professionnel de l’immobilier qui a tout intérêt à respecter la législation.

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